La loyauté et la fidélité

La loyauté est centrale monde cistercien et à la chevalerie

La loyauté est centrale en chevalerie, même si elle n’est pas souvent citée littéralement. Elle accompagne le vrai désir, et participe au pilier central de la chevalerie. Le manque de loyauté est toujours la conséquence d’un dévoiement du vrai désir. Voilà pourquoi, symboliquement, il est essentiel de se méfier des du monde extérieur, comme l’écuyer novice et l’écuyer l’apprendra très prochainement lors de nouvelles marches à gravir en direction de son adoubement de chevalier.  

 La  loyauté, c’est la fidélité de quelqu’un à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose, qui se manifeste par le respect d’engagements, de règles et d’honneur. Les synonymes voisins sont la sincérité, la franchise et la probité. Symboliquement, rien n’est plus fort que la loyauté d’un chien à l’égard de son maître.

Une des meilleures citations sur la loyauté, il semblerait que nous connaissons la citation suivante : « Il vaut mieux être pendu pour loyauté que d’être récompensé pour trahison » La citation la plus courte, interpelle en chevalerie : « La meilleure des vertus est la loyauté ».

 La loyauté est le soubassement de tout système chevaleresque, elle est donc une des fondations principales, du chevalier. L’absence de loyauté est considérée comme vile c’est à dire, comme abjecte et sans grandeur d’âme. La loyauté est une qualité morale. La loyauté est le dévouement envers ses engagements (cause, personne) et à obéir aux règles de probité.

Maintenant la définition de la loyauté :

 Fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l’honneur et de la probité. Synon. droiture, honnêteté; anton. déloyauté.Manque de loyauté; être un exemple de loyauté, d’une loyauté proverbiale. La loyauté, la fidélité aux engagements, le respect pour l’ennemi courageux, la pitié même. Nous voyons ces qualités briller chez plusieurs nations (Constant,Esprit conquête,).Ces étourderies eurent un caractère de franchise et de loyauté qui ne déplaisait pas à la nature loyale et franche de son hôte (Sandeau,Mllede La Seiglière,1848):Je te croyais tellement honnête, tellement désintéressé ! Ça m’intimidait que je devais être loyal envers toi. Tu parles de loyauté! Tu juges tout le monde : mais ça ne t’étouffe pas plus qu’un autre, les scrupules. Beauvoir,Mandarins,1954.

SYNT. Agir, se conduire avec, par, sans loyauté; prêter serment de loyauté; croire en, mettre en doute la loyauté de qqn; admirable, entière, grande, parfaite, pleine loyauté; loyauté naturelle, scrupuleuse, sublime, totale; loyauté et bravoure, courage, droiture, franchise, grandeur d’âme, honnêteté, honneur, noblesse.

− [En parlant des attributs d’une pers.] La loyauté d’un regard; un air de loyauté. Tout le monde rend justice à la loyauté de votre caractère, à la régularité de vos moeurs (Béranger,Chans., t. 1, 1829,).Son attitude, son regard, sa voix, prêtaient à tout ce qu’elle disait une indiscutable loyauté (Martin du G.,Devenir,1909,).

2. P. ext. Caractère de ce qui est inspiré par cette fidélité aux engagements pris. La loyauté d’une action, d’un combat; la loyauté de son amitié, de son amour, de sa bravoure, de ses intentions, de ses sentiments. Je n’étais pas des siens; mais j’étais prêt à reconnaître la loyauté de ses vues et la sincérité de ses convictions (Reybaud, J. Paturot,1842,).Faria lut sur ses traits animés par l’expression du dévouement le plus pur la sincérité de son affection et la loyauté de son serment (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846,).

1. [En parlant d’une pers.] Caractère loyal. Craignant néanmoins son inexpérience à Paris, et surtout les mauvais conseils, qui gâtent tant de ces loyautés si fragiles, Lisbeth accompagnait Mathurine à la grande Halle (Balzac,Cous. Bette,1846,).Si nous avions l’occasion de causer, vous ne me convertiriez pas, et je ne vous pervertirais point. Nos consciences s’entendraient. Nos loyautés sympathiseraient (Hugo,Corresp.,1867,).

2. Acte loyal. Anton. déloyauté. Je pourrais dire que ce fut une loyauté de ma part, ce conseil donné au marquis .

Si je n’étais convaincu qu’il n’y a pas d’effet sans cause et pas de ces loyautés-là sans un secret égoïsme, j’y reconnaîtrais une horreur d’exploiter (Bourget, Disciple, 1889.).

Pour ce qui est de la fidélité :

 La fidélité, mot provenant du latin « fidelitas », est définie par essence comme la qualité d’une personne fidèle et s’identifie donc au dévouement et au loyalisme. Elle est aussi une marque d’allégeance ou un attachement à la constance. La fidélité conjugale se traduit comme un engagement pris entre conjoints. Couramment la fidélité désigne la véracité d’une interprétation ou la fiabilité d’un instrument (Haute Fidélité) ou alors une méthode mercantile de fidélisation de sa clientèle au moyen de cartes de fidélités.

Elle qualifie tout simplement les adeptes d’une religion, appelés les Fidèles, comme il en est beaucoup question dans l’actualité de ces jours pour l’église catholique romaine suite au décès du Pape. On notera  juste sans s’étendre sur ce sujet relatif aux croyances et aux religions, que cette fréquente position duale et même manichéenne des religions entre les fidèles et les infidèles, les croyants et les mécréants a historiquement transpirée aussi sur  la chevalerie, aujourd’hui encore classifiée en deux camps : celui des chevaliers, imposant le postulat de la croyance en Dieu, chantres de la chevalerie libérale ou a-dogmatique.

Toutefois c’est en définitif l’acception de la fidélité dans « le fait de ne pas trahir », on parle alors de fidélité à un serment, qui  méritera certainement le plus l’attention des chevaliers. Aussi ce morceau de parchemin s’appuiera sur nos livrets et traditions pour donner des éléments de réponse aux interrogations suivantes : Comment se pose la problématique de la fidélité entre vertu et devoir sur son serment en chevalerie ?

Et si tant se limiterait-t-elle à l’expression d’une forme d’allégeance, la fidélité ne serait-elle pas alors un obstacle à la liberté ? Puissent les contributions des sœurs et Frères et l’apport de leurs lumières sur ce sujet enrichir cette réflexion et permettre aux écuyers novices, écuyers, et chevaliers que nous sommes tous à méditer chaque jour sur notre engagement chevaleresque.

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Un petit aperçu historique nous oblige à nous référer aux actes constitutifs de la chevalerie en général, notamment  un extrait des textes et constitutions qui stipule : « Les personnes admises comme membres d’une commanderie doivent être des femmes et des hommes de bien et loyaux, nés libres et d’âge mur, circonspects, ni serfs, ni femmes, ni hommes sans moralité ou de conduite scandaleuse, mais de bonne réputation et de sérieuse religion ».

La loyauté figure ainsi parmi les qualités requises et est expressément mentionnée parmi toutes les autres qualités pour souligner l’importance de l’assimilation  et de la pratique de la fidélité pour le chevalier qualifié alors d’homme de bien et  de bonne réputation.

L’histoire de la chevalerie, telle que relatée fait état de la création d’une commanderie dénommée constituée et sacralisée par le Grand Prieur Général de l’Ordre, permet de situer l’importance de cette vertu cardinale, érigée en titre distinctif d’une commanderie, lors de l’établissement de la chevalerie Française en réaction entre autres aux vicissitudes du pouvoir en place qui en interdira l’exercice, mais aussi par controverses internes sur l’adoption et la pratique de certaines positions. La Fidélité est donc bien érigée en  une Valeur depuis les aurores de la chevalerie.

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Passant maintenant à l’examen des conditions de notre entrée en chevalerie et de la demande d’entrée en Homme « libre religieux et honorable » qui a, par le biais de son parrain frappé à la porte de l’Ordre, devenu néophyte s’engagera à « être humble, fuir le vice et pratiquer la vertu ». Ceci établit bien évidemment la fidélité au rang de vertu  cardinale, ce qui suggère aux écuyers novices non seulement d’appréhender cette notion, mais surtout de la pratiquer au même titre que l’humilité et bien  d’autres vertus à cultiver, nécessaires pour suivre les enseignements de la méthode chevaleresque.

Dans le la commanderie, espace sacré et consacré, lors de la cérémonie de prise de serments premier, cette prédisposition évoquée de manière suggestive va prendre un caractère particulier car, après les divers passages, le néophyte va faire une promesse solennelle sur l’autel de la vérité : Il va prêter son Serment devant l’Ordre.

« Je promets de remplir mes devoirs envers l’Ordre, Ma commanderie, ma famille, la patrie et l’humanité plus fidèlement encore que par le passé ; de respecter toute conviction sincère non contraire à la loi morale et à l’amour du prochain ; de travailler à mon propre perfectionnement ; de persévérer sans relâche dans la recherche de la vérité et de la justice.

Je promets de ne pas demeurer absent des chapitres à moins de raisons absolument majeures et de collaborer à ses travaux dans la mesure de mes forces.

Je promets d’observer scrupuleusement les lois de la chevalerie, de mon Ordre et de ma commanderie de travailler à la prospérité de ma commanderie, d’aimer mes sœurs et frères, de ne pratiquer aucunes offense ou critique de les aider de mes conseils et de mes actions, pour autant que ceci n’est pas contraire à mon honneur et mes devoirs vis-à-vis de Dieu, de mon Ordre et de ma commanderie de la patrie et de la famille.

Je promets de ne révéler ni les usages de la chevalerie ni les justifications de mon rang et de ne parler qu’avec la discrétion qui sied à un homme d’honneur des travaux et des délibérations de la commanderie.

Tout cela je le promets sans aucun mensonge sur mon Honneur. »

Après ce serment si solennellement prêté, la fidélité, loin de se limiter à une vertu de bonnes mœurs, prend  une tout autre dimension. Elle devient un engagement irréversible et donc une obligation, un Devoir vis-à-vis de l’Ordre et de ma commanderie. En effet  la fidélité au serment prêté est le fondement même de l’éthique en chevalerie tel que l’indique sans détour  le manuel de l’instruction dispensée aux postulants écuyers novices : « Toute l’essence de la chevalerie est contenue dans ces paroles, et celui qui se conforme aux préceptes qu’elles formulent sera un chevalier véritable et un homme d’honneur digne de ce nom ».

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Le chevalier est appelé à voyager pour parfaire son instruction, en visitant les commanderies afin de nourrir son cœur et son esprit. Le serment quant à lui, est obligatoirement contracté afin de vivre sa chevalerie en bonne conscience religieuse. Les dispositions claires et explicites du texte ainsi rédigé font du serment un code de conduite et un guide pratique auto explicatif qui rendent tous commentaires et additifs superflus. Mais force est de constater que l’ouvrage doit être remis en chantier sans relâche !

Dans la pratique, puisque nous nous reconnaissons, mais aussi et surtout aux circonstances de notre admission, il faut donc bien se remémorer et  polariser la signification du signe de fidélité, qui à chaque fois qu’il est exécuté renouvelle notre serment et notre engagement, envers l’Ordre, envers la commanderie et surtout envers nos sœurs et Frères.

Toutes les  accolades, mots de reconnaissances n’ont de valeur que dans la mesure ou le chevalier cherche à se distinguer  par sa sincérité vis à vis des autres femmes et hommes et par sa conduite irréprochable. Ce qui doit s’appliquer a fortiori et a priori vis à vis de l’Ordre Hospitalier des Chevaliers de Saint Bernard. Cela suppose évidemment  une participation active et effective à la vie courante de la commanderie vis à vis de l’Ordre, l’assiduité, les obligations liées aux charges pécuniaires, mais surtout l’écoute et l’entraide, l’assistance à ses sœurs et Frères et par extension la générosité et la bienfaisance en général. Bien évidemment l’art est difficile et la critique facile, mais  ce travail doit commencer  dans la commanderie et se poursuivre au dehors. Ce n’est qu’à cette condition, sur le chemin de l’effort, que les sœurs et Frères, ces travées vivantes de la commanderie peuvent nous reconnaître comme des chevaliers de valeurs, car sans être juges de notre action quotidienne, ils balisent le chemin de notre ascèse initiatique et réfléchissent, tels des miroirs d’indice de réfraction différent, les multiples facettes de notre propre conscience, laquelle est appelée à rejoindre une conscience collective de la commanderie en chapitre ou se révèle l’Egrégore.

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Mais ces garde-fous ainsi constitués par nos sœurs et Frères en leurs qualités respectives ou par les formes et statuts organisationnels nécessaires à la vie et à l’animation du corpus de la commanderie entravent -ils notre liberté individuelle ?

Dans ce qui est communément appelé l’esprit chevaleresque, à savoir le principe de base « le chevalier dans une commanderie établie », la notion de liberté est canalisée et rejoint fondamentalement le libre arbitre (bien que contestable) sœurs et des frères sous réserve du respect scrupuleux de l’esprit des constitutions de la règle de Saint Benoit et Saint Bernard et de son esprit cistercien. En effet l’homme libre de sa pensée et donc adulte circonspect doit éviter l’anarchie et tenir compte de la liberté d’autrui. La fidélité à sa démarche chevaleresque, loin de priver le chevalier de sa liberté d’action, de mouvement, lui impose de bâtir selon un modèle constructif, prenant en compte également des concepts et des idées opposées à la sienne. Ce respect mutuel des positions de chacun est le fondement même de la méthode en chevalerie, véritable école de tolérance et d’humilité qui parvient ainsi à concilier les contraires pour progresser vers la vérité.

L’engagement en chevalerie on n’aura de cesse à le répéter, se prend en toute liberté, et la loyauté et la fidélité à ses engagements n’ôtera jamais la liberté que peut avoir  un chevalier d’exprimer et de marquer des positions divergentes pour vivre en harmonie avec sa conscience. Mais le libéralisme ne doit pas sombrer dans le désordre. A cet effet le congé, la démission et la radiation sont administrativement prévus par les textes organiques, qui sont toujours à améliorer, afin de permettre aux sœurs et frères de se retirer élégamment et honorablement des obligations contractées.

Malgré la démotivation ou le renoncement de certains frères, rappelons-nous sans cesse qu’il y a toujours beaucoup d’appelés et peu d’élus, tel que le symbolise la parole du divin. La seule caractéristique à laquelle le chevalier doit demeurer attaché est une fidélité toujours plus grande au devoir et sa libre pensée sur le chemin de la recherche de la vérité!

Dans ces conditions, la fidélité et donc le respect de ses engagements devient une expression, une manifestation de sa propre liberté : une liberté raisonnée  dans le bien penser, le bien faire et le bien dire, véritable  baromètre de son altruisme !

Toutefois il est toujours nécessaire de rappeler que même radié un chevalier ne perd pas sa qualité d’initié, en conséquence il restera toujours redevable du serment qu’il a prêté, surtout par rapport à la discrétion vis-à-vis de ses sœurs et frères et en tant que garde du sceau du Secret chevaleresque. Bien évidemment le serment prêté est atemporel, et livré dans un espace-temps particulier et sacré, il doit avoir interpellé les profondeurs de la psyché de l’initié, lequel se trouve non pas face à des obligations externes mais face à des manifestations internes.

Le chevalier, de tout ordre et de toute position, être humain avec ses faiblesses, ses défauts mais aussi ses qualités pourront toujours nous décevoir mais jamais la chevalerie en tant que méthode pour notre quête spirituelle vers un idéal de vérité et d’honneur. La chevalerie  exige de nous des engagements que nous sommes libres d’accepter ou de refuser, elle nous demande en particulier de participer à une meilleure humanité. Et selon la maxime bien connue de Socrate, Gnôthi Sauton « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux ! », chacun trouvera la voie qui lui est propre.

La fidélité à ses engagements vécue comme manière et art de vivre devient alors  un gage de stabilité et de maturité qui conduit sur le chemin de la sagesse de l’honneur et de la Vérité.

La fidélité supplante alors les obligations pratiques contractées nécessaires pour des impondérables organisationnels et sociétaux qui sont  inévitables dans la sphère terrestre. La fidélité vécue comme philosophie comportementale induit une élévation supplémentaire de la psyché du chevalier. Elle se dématérialise alors et se transforme en  un geste d’Amour pour l’autre et pour soi, l’amour ou si vous voulez , le respect de son idéal de perfection et de perfectibilité de l’Homme.

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Le sujet aurait pu s’intituler aussi bien « le Serment en chevalerie » ou encore « les devoirs  du chevalier », les éléments de méditation conduiraient sur  les  mêmes pistes à explorer toujours davantage. La fidélité me semble en définitive être une singulière vertu issue du  résultat consensuel d’une lutte permanente dans notre psyché  entre notre  Ego et notre Altruisme, qui se transforme en un devoir permanent de perfection par une alchimie particulière qui dans  la pratique se transcende en Amour. C’est avant tout, un code de l’honneur. La loyauté et La fidélité, pierre angulaire de la construction de notre propre  temple chevaleresque, sublime le devoir permanent de celui qui cherche la vérité, chevalier en toute liberté.

« La prise de son serment solennel s’opposera toujours aux dogmes et aux théories parce que le serment est Connaissance, le serment est action, le serment est quotidien, le serment est Amour… »  On se surprend à retrouver une identité remarquable, telle une correspondance biunivoque  entre le serment et la Fidélité.

La loyauté est un moteur de l’action qui pousse à l’initiative en relation au groupe alors que la fidélité sera le moteur de l’affection et de l’abnégation de soi par rapport au groupe.

Somme toute et pour clore ce propos, je soumets à votre sagacité l’acception suivante de la fidélité qui me paraît bien lumineuse dans la déclaration suivante que je formulerai en toute humilité : « le serment, c’est aussi la Fidélité dans la recherche loyale de la Vérité ».

Je clos mon propos

AM 2024